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  >  Art   >  Rencontre avec Pierre Rabhi | TNN

Photographie : Gaëlle Simon // Texte: Salade Niçoise

Le théâtre de Nice est bondé, les gens sont au rendez-vous. C’en est même incroyable ! Pierre Rabhi fait déplacer les foules. Il en est lui-même étonné et ému. Dès son apparition sur scène, nous sommes tous HEUREUX de le voir, il est applaudi longuement, très longuement. Il nous confie qu’il aurait préféré que nous attendions la fin de sa conférence pour applaudir, car on lui a donné le trac !!!

Il faut dire que Pierre Rabhi est un exemple, un exemple de compréhension de l’Humanité, un exemple d’humilité, un exemple tout court.

Né en Algérie en 1938, il a 4 ans quand sa mère décède et cette absence le fait toujours souffrir aujourd’hui. Son père le confie à un couple de français vivant au sud d’Oran, une des villes les plus importantes du Magrheb. Il y suit des études et rencontre Michèle, une parisienne. Tous deux ont le doux rêve de s’extraire de la vie urbaine et ils vont réaliser ce choix crucial en 1960, en s’installant définitivement en France, en Ardèche, sur une terre aride. Ils se marient. Ils ont 5 enfants. C’est déjà un joli conte de fée. Mais il ne s’arrête pas là. Alors qu’il est ouvrier agricole, il passe un diplôme et devient officiellement paysan (et aime qu’on l’appelle ainsi) dans les Cévennes ardéchoises. « C’est un luxe de vivre au milieu de la beauté ». Ils élèvent des chèvres. Pierre Rabhi a un regard nouveau sur la Terre, qu’il considère, à juste titre (mais l’avons-nous tous oublié ?) comme un organisme, vivant aux rythmes lunaires et planétaires : l’agriculture biodynamique. Il s’attache au fonctionnement biologique des sols et des végétaux et a, bien entendu, une recherche plus qualitative que quantitative. Un phénomène de base auquel  nous devons notre nourriture, dont il ne veut pas s’éloigner. Il dénonce haut et fort les engrais et les pesticides, qui sont, dit-il, d’une violence inouïe pour les sols, les appauvrissant et les rendant malades. Toutes ces techniques qui vont à l’encontre des règles des lois de la vie elle-même, le font  bondir. Mais bondir calmement, Pierre Rabhi dit toujours ce qu’il a à dire, posément. C’est tellement agréable. Pourtant ses mots sont forts et sans détour : Il parle de chimisation importante et violente du monde vivant.

« La Terre qui nous nourrit, on la bourre de produits chimiques. Sommes-nous prisonniers de cette logique-là ? »

Si Pierre Rabhi aime l’agriculture, il ne l’aime pas comme ça ! Il prend note de cet état de faits et à partir de ce constat pitoyable, il refusera de rentrer dans cette destruction végétale et humaine. Il veut cultiver la terre et qu’elle reste vivante, un point c’est tout. Pour lui, la Terre est reliée au cosmos et certaines planètes ont un rapport à la terre. Il écoute les cycles, il respecte le temps, il observe de près l’humus. Qu’il va s’attacher à préserver. Le cycle de la vie, les feuilles qui tombent pourraient nous sembler banal, mais loin de là : Tout se transforme en humus et redonne de la vie à la terre. Il va s’inspirer de la vie la plus simple qu’il soit, la plus humble et nourrir sa terre avec cette forme de compostage, qui aura un autre avantage de taille puisque cette substance naturelle va retenir jusqu’à 10 fois son propre poids en eau.

Et bingo ! Sur les terres du Sahel, les résultats sont tels que les paysans adoptent ces méthodes biologiques !

Il dénonce haut et fort les techniques actuelles, tueuses de terre et qui, inexorablement nous amènent à la fin de vie de celle-ci et à notre propre survie. Car nous sommes nourris d’une alimentation qui véhicule des nuisances et il appelle ça, logiquement et franchement, un suicide programmé !

« Si notre humanité ne réagit pas, nous disparaitrons (…) Arrêtons-donc de séparer la nature de l’Homme. A force de détruire, nous arrivons à une Humanité absurde ».

Monsieur Rabhi, oui, je l’appelle Monsieur… Quel respect j’ai pour lui… Monsieur Rabhi est un homme humble, sensé, posé, réfléchi, sensible et averti. Pas étonnant qu’il soit l’initiateur du Mouvement Colibris. Petite goutte par petite goutte, chacun doit, avec patience et persévérance, déposer son petit grain d’humanité pour atteindre ce but. Ce petit homme par la taille est Expert International pour la lutte contre la désertification, pionnier de l’agriculture biologique en France. Il appelle à « l’insurrection des consciences ». Cet homme qui a transmis la vie de ses propres mains au sable du désert. Un pari incroyable, courageux, qu’on pourrait croire complètement fou ! Et pourtant, je pense que le pari le plus fou à tenir, c’est celui de convaincre l’Humanité. Parce que la nature, elle, elle ne nous veut que du bien !

« Sommes-nous conscients de notre inconscience ? »

Il ne s’arrête plus de parler « On m’a demandé de parler, alors je parle ! » clame-t-il ! Il en a des choses à dire et à dénoncer pourtant très confiant en la société civile, pleine de surprises et d’excellentes initiatives, plus qu’en nos politiques qui pensent PNB et rendements,  acharnés à épuiser toujours un peu plus,  toutes les ressources de notre belle planète. Pourquoi attend-on qu’il soit trop tard ? Oui, franchement ? Une agriculture qui tue la terre ! Ahhh, quelle logique ! Une société qui ne sera de toute façon jamais satisfaite, car elle en voudra toujours plus jusqu’à l’infini, une société intéressée uniquement par ce qu’elle n’a pas encore, « Merci les pub » grogne Pierre Rabhi qui rajoute qu’on est sur Terre pour admirer et non pas pour détruire.

« Quelle planète laissons-nous à nos enfants et quels enfants laisserons-nous à la planète » 

Il nous confirme, mais il n’avait pas besoin de le dire, qu’il ne se contente pas de faire de beaux discours, il agit ! Et sa récompense ultime est de voir un soleil couchant rouge à l’horizon…

Une heure et quarante minutes se sont écoulées, sans que nous ne voyons passer ce temps. Irina Brook, Directrice du Théâtre de Nice, intervient. Elle est tellement sensible à tout ça. Elle s’investit d’ailleurs pleinement dans le Festival « Réveillons-nous », dans lequel, elle nous invite à discuter sur le sujet et sur les réseaux sociaux.  Elle nous fait découvrir, pour conclure, un poème de son invité, cher à son coeur, Songe heureux pour ensemencer les siècles.

Sachez que la Création ne nous appartient pas, mais que nous sommes ses enfants.
Gardez-vous de toute arrogance car les arbres et toutes les créatures sont également enfants de la Création.
Vivez avec légèreté sans jamais outrager l’eau, le souffle ou la lumière.
Et si vous prélevez de la vie pour votre vie, ayez de la gratitude.
Lorsque vous immolez un animal, sachez que c’est la vie qui se donne à la vie et que rien ne soit dilapidé de ce don.
Sachez établir la mesure de toute chose.
Ne faites point de bruit inutile, ne tuez pas sans nécessité ou par divertissement.
Sachez que les arbres et le vent se délectent de la mélodie qu’ensemble ils enfantent, et l’oiseau, porté par le souffle, est un messager du ciel autant que la terre.
Soyez très éveillés lorsque le soleil illumine vos sentiers et lorsque la nuit vous rassemble, ayez confiance en elle, car si vous n’avez ni haine ni ennemi, elle vous conduira sans dommage, sur ses pirogues de silence, jusqu’aux rives de l’aurore.
Que le temps et l’âge ne vous accablent pas, car ils vous préparent à d’autres naissances, et dans vos jours amoindris, si votre vie fut juste, il naîtra de nouveaux songes heureux, pour ensemencer les siècles.

Je préfère  laisser le mot de la fin à Monsieur Rabhi, en souhaitant profondément qu’un tel rassemblement pour cet Homme, ne puisse être que le début d’une grande prise de conscience commune.

Les applaudissements ne cessent. Pierre Rabhi a la main sur le coeur. Ému. Comme nous tous.

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Comments:

  • Coralie

    8 février 2016

    « Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre.
    Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit :
    « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! »

    Et le colibri lui répondit : « Je le sais, mais je fais ma part. »

    ——-

    Nous sommes tous des petits colibris, ne l’oublions jamais. Et Pierre Rabhi, quoi qu’il en dise, est un GRAND Homme, amoureux de la Terre, de l’Humanité, de la Vie.
    Merci, merci, merci pour cet article, c’est « presque » comme si nous y étions. Lors de son prochain passage dans notre région, j’y serai, sans faute, ce genre de rendez-vous ne se manque pas !

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